PRÉVENTION ROUTIÈRE : DES VICTIMES D'ACCIDENT FACE AUX AUTEURS DE DÉLITS ROUTIERS

"Je ne suis pas là pour vous juger, c'est votre vie. Mais je veux simplement dire… Il suffit d'une fois et après, c'est foutu."

Ce jeudi de décembre, Patrick, 55 ans, est venu raconter son histoire. Celle d'un ancien blessé de la route qui a vu sa vie basculer, un soir de mai 2012. Face à lui, 11 stagiaires. Des primo-délinquants routiers, orientés par le parquet de Bourg-en-Bresse (Ain).

Tout au long de la journée, les prises de parole vont s'enchaîner. Après un rappel du cadre légal sur la matinée, place à des échanges très humains sur les conséquences concrètes d'un accident de la route.


Avant d'être très gravement blessé, Patrick travaillait dans la police municipale. Le soir de l'accident, alors qu'il roulait à moto, un automobiliste de 24 ans croise sa route dans un virage. Trop vite. L'auteur de l'accident était sous l'emprise de l'alcool et du cannabis.

Héliporté en urgence absolue sur l'hôpital lyonnais Édouard Herriot, Patrick restera six semaines dans le coma.

En plus de ses blessures, il est brûlé sur le haut du corps, le visage et les mains. S'ensuit une très longue période d'hospitalisation et de soins, avec un passage au Centre de rééducation Romans Ferrari, à Miribel.

L'établissement est partenaire du stage, c'est d'ailleurs dans ses locaux que se déroule la rencontre.


Le récit de Patrick se poursuit. Les stagiaires, d'abord silencieux, sont invités à lui poser des questions. Certains participants essuient quelques larmes.

Ce qui semble marquer le groupe, c'est l'absence de colère. "L'auteur de l'accident, je ne lui en ai jamais voulu, assure Patrick. Il fallait que je puisse me reconstruire sans haine. C'est pour mes proches que cette période a été… très dure."

Il le redit, tout peut s'écrouler en une fraction de seconde. "C'est l'histoire d'une mauvaise décision. C'est comme jouer à la roulette russe."

À l'issue de l'échange, Aymeric se confie à notre micro. "Entendre ces paroles, au-delà de rencontrer une personne blessée, c'est évidemment très inspirant. Et ça ne peut que m'aider à vouloir m'améliorer."

"J'ai le sentiment d'avoir appris des choses. Les témoignages étaient très forts", ajoute Sandrine, également stagiaire.


Les stagiaires ont aussi pu échanger avec des membres du personnel du centre de rééducation. Un kiné, des accompagnatrices, le directeur du centre… Les maillons solides d'une chaîne indispensable à la guérison des patients.

"Ce que l'on veut qu'ils retiennent, c'est qu'un accident peut arriver à tous. Qu'il faut vraiment, vraiment, faire attention. On est là pour faire de la prévention", insiste Charlotte, accompagnante éducative sociale.

Stéphanie, monitrice éducatrice, acquiesce. "L'idée n'est pas d'être dans la culpabilisation. Je pense qu'ils ont déjà tout ça par le volet judiciaire. On veut leur rappeler les conséquences de l'accident. Mais personne n'est dans le jugement. Qu'ils soient auteurs ou victimes, ce sont des humains."

Ce stage, porté et animé par l'Association d'aide aux victimes du département de l'Ain (Avéma), remplit en effet une autre fonction que celle plus répressive du processus judiciaire. L'approche se veut volontairement pédagogique.

"S'ils ressortent du stage avec cette envie de faire plus attention à leur vitesse, à leur consommation d'alcool avant de prendre la route… Ce sera déjà l'essentiel, explique Emilie, de l'Avéma. Ils savent pourquoi ils sont là. Ce qu'on veut leur montrer, c'est ce qu'il y a derrière l'infraction."


Chaque année, plus de 100 affaires sont orientées par le procureur de la République, à la suite d'un accident causé par une faute de conduite.

"Dans 37% des cas, l'auteur a violé, de façon manifestement délibérée, une obligation particulière de prudence ou de sécurité notamment prévue par le Code de la route. Chaque mois, 19 nouvelles victimes, en moyenne, sont concernées par un homicide ou des blessures routières", précisent les services de la préfecture de l'Ain.